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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/220

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auquel on s’intéresse, tant qu’on croit qu’il y a quelque part un bonheur particulier à soi réservé… Maintenant je trouve ça stupide !

— Pourquoi ?

— Mais parce que quand tout le monde aura le temps de regarder en soi-même, on s’inventera de nouvelles tortures.

— Non, car la raison sera fortifiée chez des êtres que n’abrutira plus l’excès de travail.

— Oui, oui, je sais, c’est la vieille histoire ! Les religions oubliées ! L’esprit scientifique pénétrant les masses, refaisant les mœurs ! Plus de parents idiots élevant des enfants scrofuleux, tuberculeux ou cardiaques ; tous les hommes avec une santé de fer et un esprit libre… On ne verra plus que des gens doués d’un parfait sens critique. Ni dégénérescence, ni tares ataviques, l’équilibre partout… la joie universelle.

— Naturellement, vous me l’avez dit assez souvent : en ôtant la maladie et l’injustice, on met chacun en état de ne plus attribuer aux autres inconvénients de la vie que l’importance qu’ils ont, vraiment ; donc, on est plus heureux.

— Ah ! que non ! Savez-vous ce qui arrivera, dans ces temps où on aura supprimé les paysages et où il n’y aura que des choses d’acier ou de cuivre au lieu d’arbres, où tous les torrents seront dans des tuyaux, et lorsqu’il ne restera plus, pour inciter le rêve, que la mer, l’indomptable mer, et le ciel ?… Il arrivera que deux ou trois faibles êtres en régression vers le passé, voyant un soir le soleil mourir, auront le cœur gonflé d’une détresse imprévue ; le désir périmé de l’impossible leur tordra les nerfs, et les pleurs, les cris, la