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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/228

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vous l’aimez. Ah ! vous êtes bien libre ! Et ça ne me regarde pas… Tout de même, je ne peux m’empêcher d’être irrité, quand je vois la créature d’orgueil et de liberté que j’admirais, abdiquer pour prendre rang dans la liste des mille et trois de ce séducteur de salon.

– Et moi, j’éprouve quelque chose d’analogue, quand je vous vois m’insulter pour satisfaire à la haine que vous inspire monsieur des Moustiers, et cela seulement parce qu’il est le mari d’une femme dont vous avez envie !

Erik toucha le bras de mademoiselle Barozzi d’un geste tendrement autoritaire.

— Taisons-nous un moment. Il faut nous apaiser. Nous allons nous faire trop de mal, dit-il.

Elle obéit. Ils étaient devant un des esclaves de Michel-Ange et le regardaient, pensifs :

— Ah ! la belle image de nos pauvres cœurs ! dit enfin Erik dont la voix s’était calmée. Comme nous sommes bien tels : des Titans liés, avec l’illusoire puissance de nos muscles inutiles ! Quand serons-nous assez forts pour que nos passions n’oppriment plus notre vouloir, comme ces liens de marbre enserrent la beauté lamentable de ce corps captif. Pourquoi le besoin d’aimer, cette cime de l’énergie vitale, est-il mêlé de tant d’angoisse ?… Les idées, les grands espoirs, tout est à la merci d’un regard, du pli d’une bouche… Ne reviendrons-nous jamais à l’amour brutal et sain qui s’assouvit dans un plaisir simple, sans que les rêves s’y infiltrent, nous saturant de leur poison ?… Une femme en vaut une autre… Qu’est-ce donc que cette démence qui nous obstine à vouloir une créature particulière, à ne vouloir qu’elle, à lui donner tant