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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/230

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Léo, quand nous cultivons en nous le sens de la pitié, nous y ouvrons de prodigieuses sources de douleur. Car la pitié est curieuse du secret des âmes, elle en a la faim, la fureur. Ah ! posséder une âme, y entrer, la retenir… Mais c’est là l’impossible… c’est le rêve qui rend fou et qui tue…

Tendrement Léonora dit :

— Pauvre Erik ?… J’avais toujours pensé que vous tomberiez de votre orgueil. Vous n’êtes qu’un passionné, un pauvre passionné.

— Et vous ? Qu’êtes-vous d’autre ?

— Moi ! Je ne sais rien des troubles dont vous venez de parler. Si j’avais, quelque jour, la honte de sentir cela en moi… je ne ferais pas comme vous. Je m’éloignerais de qui me le ferait éprouver.

Les yeux d’Erik pesaient sur elle, et elle détourna la tête.

— Il va falloir que je m’en aille, dit-elle.

— Où ?

— Donner sa leçon d’accompagnement à madame Marken.

— J’irai avec vous jusqu’à la porte. Je n’ai pas le courage de vous quitter encore.

— Comme vous voudrez.

Ils sortirent du musée silencieusement.

Quand ils eurent marché quelque temps :

— Expliquez-moi ces Marken, dit Erik en s’arrêtant pour regarder, par-dessus le parapet, l’eau du fleuve où le soleil faisait pétiller son insupportable éblouissement.

— Ce sont des gens qui échappent à l’analyse. Ils ont l’air de réciter des rôles dans un décor mal planté, qui menace de leur tomber sur la tête. Rien n’est