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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/272

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Non, certes, mais de détestables ! Des façons émouvantes cependant ; ce type d’homme résolu, dressé contre la société, ivre de lui-même, ne manquait pas d’intérêt. L’aimait-il, au moins, celui-là ? qui pouvait le dire ? Il n’avait peut-être voulu que l’étonner… Au reste, s’il s’avisait de l’aimer, il perdrait tout son style, deviendrait pareil aux autres, implorant, maladroit, stupide. Non, pas pareil aux autres. À quels autres, d’ailleurs ? À Érik ? Mais Érik n’avait pas la même façon qu’André de dire son amour, et André n’aimait pas à la manière de Barrois. En eux tous, elle avait trouvé un accent spécial, une manifestation individuelle de la vitalité sous la poussée du désir. Le désir, que Léonora méprisait et l’avait conduite à mépriser, n’était-ce pas pourtant l’occasion suprême où se révèle le génie que met la nature à différencier les sensibilités ? C’est par les surfaces que les gens d’un même groupe social se ressemblent ; chaque homme en état de passion est différent de tous les autres. Quelles absurdités et quelles magnificences elle avait aperçues, par secondes, dans des yeux affolés, entendues dans des voix que trop d’émotion détimbrait ! Les âmes les plus stériles et les plus plates contiennent un peu de beauté en puissance ; c’est l’amour seul qui la dégage. On ne sait les secrets exquis que de ceux qu’on a troublés un moment ; c’est le moyen unique de tirer d’eux la parole merveilleuse, le regard où soudain réveillée, toute la violence d’une race lointaine s’accumule. C’est dans l’amour, héroïque ardeur de l’espèce qui veut durer, qu’est toute la saveur de la vie. Celles-là en savent seules la splendeur multipliée qui ont été souhaitées dans l’angoisse par un