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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/292

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elle l’aurait déplié pour suivre la colonne depuis tout ce temps. Que faisait-elle là ? quelle pensée l’absorbait en cette extraordinaire rigidité de tous les muscles ? Un malaise vague gagnait madame des Moustiers.

— Eh bien, vieille Léo, c’est intéressant, il paraît, ce meurtre, car c’en est un, n’est-ce pas ? Qui ? Une vieille marchande à la toilette encore ?

La voix de Jacqueline parut agir comme un contact électrique sur les nerfs de Léonora. Elle se dressa d’une détente rude des jarrets, et, retournée, montra une figure si totalement décolorée que les lèvres grises y marquaient à peine.

Jacqueline cria :

— Mon Dieu, qu’as tu ? Qu’y a-t-il ? Mais réponds-moi donc !

Léonora fit un geste vague, comme pour desserrer son col, sa main retomba, et elle dit d’une voix sans timbre : . — Il y a… un attentat.

Elle prit le journal, le jeta sur les genoux de Jacqueline, qui lut en grosses lettres sur la manchette l’annonce de l’assassinat d’un souverain.

— Eh bien, quoi ? dit-elle stupéfaite, ne comprenant pas.

Léonora ne répondit rien. Rapidement, madame des Moustiers lut l’article qui racontait le crime, puis, relevant les yeux :

— Mais enfin, dit-elle, explique-moi…

Elle s’arrêta : le regard de Léonora venait de la traverser avec tant de force qu’elles s’étaient entendues. Elle aussi devint pâle, et, la voix basse, dans une peur folle de la réponse qu’elle allait entendre :