Aller au contenu

Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contact, isolé dans ma fierté et dans ma joie. Rien de ce à quoi vous n’êtes pas mêlée n’a de sens. Pour qui vous aime, vous devenez l’âme intime de toute beauté. Il n’est pas une ligne noble qui ne rappelle quelque chose de vous, une musique sublime qui ne vous évoque, un grand vers où vous ne soyez tout entière présente… L’autre jour, je suis allé chez Dalton voir un vase grec qu’il vient d’acheter, une forme merveilleuse… il vous ressemblait, ce vase… Je ne pense pas qu’aucune autre femme, pas même Hélène de Troie, que les vieillards émus regardaient passer au soleil couchant, ait à ce point concentré en soi toutes les formes de la nature et de la pensée, pour en faire sa substance éloquente, le mouvement merveilleux de sa vie. Il me semble qu’on mourrait de joie si on osait se croire apte à vous donner une émotion.

— C’est chose très facile que de me donner de l’émotion, dit Jacqueline, qui ne souriait plus.

— Non, pas celle où toute la vie est en question et s’engage.

— Rien n’engage la vie entière. Quand on est de bonne foi, on ne fait marché que pour des heures, dit madame des Moustiers cherchant à retrouver le ton de la plaisanterie.

— Vous voyez, nous sommes d’accord. Vous ne connaissez pas et, sans doute, vous ne connaîtrez jamais le bouleversement causé par la rencontre de l’être qu’on pressent détenteur de la joie unique et particulière que chacun de nous cherche, à travers tout. Cette joie plus forte même que la souffrance dont elle est faite… vous savez… l’amour de Tristan et d’Yseult, cet amour qui garde le masque de