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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/371

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de l’automne. Des tuyaux d’un noir de velours s’opposaient à la pâleur du ciel limpide et lointain ; des hirondelles attardées les entouraient de l’arabesque de leur vol inquiet, et jetaient des appels âpres et courts ; un orgue de Barbarie traîna, intermittente et fanée, une mélodie désuète qui semblait rire et pleurer au souvenir de gaietés abolies depuis si longtemps que nul n’en devait plus connaître l’histoire. Puis il y eut un silence creux, fendu par le cri d’un marchand de tonneaux ; un chien aboya paresseusement ; un cheval qui attendait frappa du sabot le pavé ; le silence retomba plus lourdement, enveloppant la rumeur diffuse de la ville.

Jacqueline cédait à une pénétrante et admirable tristesse. Tout lui apparut vanité vaine, hors ceci : être triste. Être triste savoureusement, parce que rien ne dure, que les heures rapides effacent les meilleurs rêves, parce que jamais plus, sans doute, cet homme ne l’aimerait comme il venait de l’aimer, dans le désespoir et l’agonie du désir, mourant de sa propre intensité.

Ces heures passées à torturer l’instinct la laissaient rompue d’une fatigue immense, les paupières froides, la bouche sèche comme après l’insomnie. Étienne se leva, leurs yeux se rencontrèrent pour se détourner aussitôt.

Jacqueline, comme elle avait fait chez Erik Hansen, remettait son chapeau, devant la glace ; elle prit ses gants.

— Je vais sonner le maître d’hôtel ; descendez ; je vous rejoins dans un instant, dit Marken.

Ils hésitèrent un peu, puis un mouvement pareil les