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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/378

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rait se commander des robes. L’activité lui revenait ; elle pensa affectueusement à ses pauvres ; la note mensuelle du marchand de vins qui nourrissait la mère Gambier lui rappela cette excellente dame, et, du même coup, le petit peintre dont elle avait si bizarrement fait la connaissance ; pendant cinq minutes, elle se demanda ce qu’il devenait. Puis, dans un moment de sincérité, elle reconnut que ce n’étaient ni les bons Audichamp, ni Léonora, ni son couturier, ni ses miséreux, mais bien Étienne qu’elle souhaitait rencontrer, afin de savoir si décidément tout était fini entre eux. Depuis la strychnine, le cacodylate et le jus de viande, elle ne croyait plus à leur rupture définitive.

— C’est aujourd’hui, n’est-ce pas ? l’inauguration au Petit Palais ? Irez-vous ? dit-elle à son mari, en déjeunant, un matin.

— Oui, il doit y avoir du bel objet dans cette collection. J’ai rencontré Marken, qui y est allé pendant qu’on installait ; il m’a parlé de livres extraordinaires. Venez avec moi, ça vous amusera ; vous êtes très bien aujourd’hui ; il ne vous reste de la grippe que juste assez de noir sous les yeux pour avoir l’air un peu tendre… Vous êtes bien jolie, madame ! Comme on va vous le dire !…

— Moins qu’on ne vous dira que vous êtes beau, répondit-elle avec un air de paresse câline que prennent les femmes sous la flatterie.

— Hélas ! Pauvre moi ! Dites, vraiment, Jacquelinette, croyez-vous que je vieillirai un jour ? Je me demande ça parfois. Je suis d’ailleurs bien décidé à ce qu’il n’en soit rien ; mais, quand même, on n’est jamais sûr.