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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/404

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Jacqueline perçut, mieux encore qu’elle n’avait fait à l’Exposition, le délabrement, la misère physique d’Hansen. L’antagonisme qu’elle avait accumulé disparut, tout sentiment personnel s’effaça d’elle pour laisser la place libre à la pitié. Elle alla vers lui très vite et dit avec l’accent de la plus chaude sympathie :

— De quoi souffrez-vous ?

— Du désespoir d’être un lâche, répondit-il avec un regard poignant où elle ne vit plus rien de son amour.

— Vous ne pouvez pas être un lâche, vous ! répondit-elle en essayant de croire ce qu’elle disait.

Mais elle avait eu, en une seconde, la certitude de quelque action affreuse qu’il allait avouer. Ses doigts gelaient dans ses gants.

— Si, répondit-il d’un ton obstiné. Vous ignorez par quel chemin de vertige on descend à l’infamie… Vous ne savez pas. Vous avez de la pitié pour les misérables, fils de voleurs et de prostituées qui deviennent assassins, et vous avez raison. Il faut les plaindre, mais ceux qui ont en pleine conscience forfait à l’idéal, ceux qui, après s’être dans leur vanité démente donné des attitudes héroïques, commettent le plus bas des actes par manque de courage… il faut mépriser ceux-là et les haïr.

— Je ne comprends pas, fit-elle.

L’idée qu’il pouvait être fou venait de la traverser. devant l’exaltation de sa parole, l’expression vide et hagarde de ses yeux.

— Non ! Comment comprendriez-vous ? Est-ce qu’on devine ces choses-là ?… Savez-vous comment elles arrivent ? Je vais vous le dire, moi… Au lieu de