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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/451

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bout de papier dépassant les autres me rappelait que je ne pouvais pas me permettre la fierté continue… Ah ! quelle admirable journée, madame, que celle d’avant-hier ! Vous rappelez-vous ? il y avait un petit soleil si gai ! l’atmosphère avait l’air de rire. Je suis allé à pied chez mes usuriers pour bien goûter mon plaisir, avec mes billets de banque à même dans mes poches… Vous ne pouvez pas savoir quelle allégresse… J’avais dû parfois supplier ces brutes abjectes pour obtenir de leur condescendance le moyen de rester debout… Je pensais à vous encore en montant leurs étages, il me paraissait que cette libération de moi était un hommage à vous rendre… C’est l’affre et la beauté du grand amour, voyez-vous, que de sentir l’être adoré augmenter ou s’avilir avec soi-même. Depuis que je vous aime, chaque fois que j’ai été humilié, j’ai eu l’impression de commettre un manquement grave envers vous… Vous savez maintenant ce qui m’est arrivé ; libre de dettes, avec un capital suffisant à qui sait comme moi le maniement de ces choses, je fonde un journal. Dans deux ans, j’aborderai la politique… Le chemin est ouvert devant moi… Je marcherai ! Paris m’aidera, car je le tiens. Tout le monde sait que je n’attache pas assez d’importance à ma vie pour la défendre en reculant ; on aura peur de moi. L’opinion sera un instrument dont je jouerai à ma guise. Je ne dois rien à personne. Je n’ai ni une obligation ni un remords, ni une amitié, pas même le goût puéril de me venger de qui m’a nui ; c’est bon pour les demi-forts cela ! Tout ce que je pourrai demain, et ce sera beaucoup, je le mets à votre discrétion. Je vous donnerai, comme on faisait jadis aux Augusta, les