Aller au contenu

Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Avec quoi s’alimentait le besoin d’émotions qu’il avait certainement comme tous les êtres richement organisés ? Quelque chose devait manquer à sa vie profonde. Cela suffisait peut-être à expliquer l’inquiétude de ses yeux, cette étrange inquiétude qui était toujours là, toujours…

En ce moment, il avait un air d’impatience, on eût dit que, requis ailleurs par un devoir pressant il s’irritait à voir grandir son retard. Cependant il n’avait qu’à flâner dans ce parc. C’était lui qui avait organisé ce déjeuner, il devait y trouver de l’agrément… Mais, rejoignant d’autres circonstances, Jacqueline confirmait plus fortement sa notion nouvelle. Il était toujours ainsi : pressé d’arriver, et, à peine arrivé, désireux de partir. Les amusements les plus désirés lui semblaient durer trop…

L’omelette parut. André l’accueillit avec des exclamations blagueuses, mêlées de français et d’allemand, et qui jetèrent dans une confusion rougissante et charmée la grosse fille à hanches en bourrelet et à joues pailletées de taches de rousseur qui apportait le plat. Puis M. des Moustiers s’occupa de servir les trois femmes.

— C’est la joie de la nourriture prochaine qui vous donne envie de rire, Jacqueline ? dit-il, en mettant un morceau d’omelette sur l’assiette de sa femme.

— Non, c’est vous, dit-elle gentiment. Vous avez l’air d’un dompteur affable qui nourrit ses fauves.

— Affable, peut-être ; dompteur, certainement pas, pour les fauves… je n’ose dire le fond de ma pensée, répondit André. Puis versant du Rudesheimer dans le verre de Léonora : Mademoiselle, j’ai causé de vous