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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/77

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la conscience bourgeoise ; ils appellent l’attention sur ce fait que la souffrance humaine peut devenir un danger pour ceux qui en sont la cause torpide ou active… c’est quelque chose, cela ! Et puis, écoutez, Léo, il ne faut pas que des esprits affranchis comme est le vôtre, qui savent si bien la souffrance et travaillent si courageusement à l’adoucir, à redresser les âmes courbées, se contentent des jugements sommaires des mondains. Criminels, idiots… c’est vite dit, et très mal dit ! L’esprit de sacrifice de ces idiots et de ces criminels est parfois sublime ; ils sont sans cesse prêts à donner leur vie. Le but fût-il mauvais, cela n’atteint pas la qualité de leur héroïsme. Le soldat qui se fait tuer dans une guerre injuste n’est pas inférieur à celui qui se fait tuer en défendant la patrie envahie, et l’homme qui meurt dans la réprobation, pour une idée qu’il comprend et qu’il adore leur est supérieur à tous les deux… Les chrétiens qui étaient joyeux sous la griffe des lions et dans les brasiers, ceux-là dont on célèbre la fête en balançant des encensoirs, avaient dans le cœur une émotion très pareille à celle qui mène ces hommes dont vous avez tort de parler ainsi… Comme les chrétiens nous sentons et comprenons que le sacrifice de soi est seul efficace et, même si nous ne prenons pas les bons moyens, l’intention est sainte.

— C’est possible ! Seulement votre comparaison même vous condamne. Les chrétiens se contentaient de mourir pour leur espoir : vos amis commencent par tuer… cela fait une différence. Mais vous vous trompez sur eux. Ce ne sont que des détraqués, féroces par inconscience et dégénérescence nerveuse, ou bien