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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/80

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que, par d’autres routes, ça ne vous perde… En y songeant bien, je crois que vous finirez par vous suicider dans un désespoir d’amour, tout bêtement… très bêtement.

Le jeune homme eut un éclat de rire. Il ôta son chapeau ; la masse de ses cheveux d’un blond très pâle se répandit autour de son visage étroit, blême et glabre, à front trop haut. Ses yeux, d’un gris verdâtre de foin nouveau, riaient comme sa bouche. Il salua Léonora d’un geste emphatique.

— Prophétesse ? dit-il. Nous verrons bien !

Puis, redevenant grave :

— J’ai tort de plaisanter… Pourquoi ai-je ri ? Votre pouvoir de deviner est si fort ! Il me rappelle souvent celui de notre ami Werner. Vous avez hérité des choses de lui… Pas sa douceur, par exemple !

— Les femmes qui veulent marcher seules ne peuvent pas s’accorder le luxe d’être douces !

— La douceur, amie Léonora, c’est le sommet de la force… J’ai toujours eu l’impression de quelque belle faiblesse cachée sous votre terrible combativité.

— Une de ces faiblesses qui rendent les femmes adorables à l’énergie virile ? répondit mademoiselle Barozzi avec une ironie coupante. Renoncez à l’espoir de me trouver ces grâces délicates. Je suis telle que je parais.

— Et cependant vous êtes capable de tendresse, ne le niez pas : j’ai vu. Vous êtes merveilleusement bonne avec les malheureux, et vous aimiez Werner. Ah ! comme vous l’aimiez ! Entre vous deux, il m’est arrivé d’éprouver presque matériellement la force du sentiment qui vous liait l’un à l’autre… Je ne vous ai