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SAINT VINCENT

lui ; et lui, immobile et les yeux levés au ciel, il invoquait le Seigneur.

Les bourreaux vinrent en apporter la nouvelle à Dacien. « Hélas, dit celui-ci, il nous a vaincus ! Mais pour prolonger son supplice, jetez-le maintenant dans le plus sombre des cachots, après avoir semé sur le sol des pointes très aiguës ; et, lui ayant lié les pieds, laissez-le là ! Puis, quand il sera mort, venez me le dire ! » Et les cruels serviteurs s’empressèrent d’obéir à leur maître, plus cruel encore. Mais voici que le Roi pour qui souffre le glorieux soldat, voici qu’il change sa peine en une gloire nouvelle. Car les ténèbres du cachot se trouvent chassées par une immense lumière, l’aspérité des pointes se change en un lit de douces fleurs, les liens des pieds se brisent, et des anges viennent consoler le martyr. Et celui-ci, marchant sur les fleurs, chante avec les anges ; l’harmonie du chant, le parfum des fleurs se répandent hors de la prison. Les gardiens, épouvantés, regardent à l’intérieur du cachot, par les fentes de la porte, et le spectacle qu’ils aperçoivent les convertit à la foi du Christ. Mais Dacien, apprenant cette nouvelle défaite, dit : « Décidément, cet homme nous a vaincus. Inutile de lutter davantage. Qu’on le transporte sur un lit, pour le ranimer ; et quand il commencera à se remettre, nous verrons à lui faire goûter d’autres supplices ! » On transporta donc le saint sur un lit ; et là, après s’être un peu reposé, il rendit l’âme. Cela se passait vers l’an du Seigneur 287, sous le règne des empereurs Dioclétien et Maximien.

Mais Dacien, en apprenant cette mort, fut saisi à la fois de frayeur et de honte. Et il dit : « Puisque je n’ai pu le vaincre vivant, du moins je le punirai mort et me rassasierai de son châtiment. De cette façon, j’aurai le dernier mot sur lui ! » Et il fit exposer le corps du saint dans un champ, pour y être dévoré par les bêtes et les oiseaux de proie. Mais aussitôt des anges vinrent garder le corps, le protégeant contre l’approche des bêtes. Un corbeau gigantesque chassa à grands coups d’ailes les loups et les oiseaux de proie, puis se tint immobile devant