Page:Voragine - Légende dorée.djvu/161

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sortis de leurs cellules, vinrent à Alexandrie pour exciter le peuple à la révolte contre l’évêque. Celui-ci, effrayé, leur dit : « Vous m’apparaissez comme la face même de Dieu ! » Et eux : « Puisque tu reconnais que Dieu a une face comme nous, aie soin de prononcer l’anathème contre les livres d’Origène, qui contredisent notre opinion ! Que si tu ne le fais pas, nous te tiendrons pour rebelle aux empereurs et à Dieu, et nous te traiterons en conséquence ! » Et lui : « Épargnez-moi, car je suis prêt à faire ce qui vous plaira ! » Et ainsi il détourna la colère des moines. Mais on entend bien que ce sont seulement les simples d’esprit, parmi les moines, qui se laissèrent séduire par une erreur aussi puérile.

Tandis que cela se passait en Égypte, Jean, à Constantinople, maintenait la pure doctrine, à l’admiration de tous. Mais les ariens, dont le nombre avait grandi, et qui possédaient une église en dehors de la ville, poussaient l’audace jusqu’à pénétrer, le dimanche, dans l’église même de Jean, en chantant leurs hymnes et antiennes, ou bien encore en disant, par dérision à l’adresse des orthodoxes : « Voilà donc les insensés qui prétendent que trois ne font qu’un ! » Alors Jean, craignant que les simples ne se laissassent entraîner à l’hérésie, ordonna aux fidèles de se réunir la nuit dans les églises, pour entendre des prédications et chanter des hymnes. Et il organisa aussi des processions, où l’on portait des croix d’argent avec des flambeaux d’argent. Sur quoi les ariens, furieux, poussèrent leur audace jusqu’au meurtre. Une nuit, l’eunuque Brison, qui assistait Jean dans ses offices de nuit, fut frappé d’une pierre à l’aine ; et un certain nombre d’hommes des deux partis furent mis à mort. De telle sorte que l’empereur, pour arrêter le scandale, interdit formellement aux ariens de chanter leurs hymnes en public.

Vers le même temps l’évêque Sévérien, favori de l’empereur et de l’impératrice, vint à Constantinople, et fut affectueusement accueilli par Jean, qui, lorsqu’il partit pour l’Asie, lui laissa la garde de son église. Mais Sévérien, au lieu de s’acquitter loyalement de cette mis-