Page:Voragine - Légende dorée.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui occupait la place d’honneur. Cet homme vint enfin à notre matrone, et lui remit également un cierge, qu’elle reçut avec joie. Elle regarda ensuite dans le chœur, et vit s’avancer vers l’autel deux porteurs de cierges, puis un sous-diacre, puis un diacre, enfin un prêtre revêtu des ornements sacrés, comme pour célébrer la messe. Et elle reconnut que les deux acolytes étaient saint Vincent et saint Laurent, que le diacre et le sous-diacre étaient deux anges, et que le prêtre était le Christ lui-même. Et la messe commença, chantée à haute voix par les officiants, tandis que toute l’assistance, en chœur, l’accompagnait. Quand vint l’offrande, la reine des vierges, les autres vierges et toute l’assistance allèrent, suivant l’usage, s’agenouiller devant le prêtre et lui remettre leurs cierges. Seule la matrone restait debout, au fond de l’église. Alors le prêtre lui envoya la reine des vierges, pour lui dire que c’était une inconvenance de le faire attendre si longtemps. Mais la matrone répondit que le prêtre eût à continuer sa messe, car elle ne voulait pas rendre son cierge. On lui délégua un autre messager : elle répondit que, par piété, elle garderait toujours le cierge qui lui avait été remis. Un troisième messager alla vers elle, avec ordre de lui enlever par force le cierge, si elle se refusait à venir l’offrir. Et comme elle continuait à s’y refuser, une longue lutte s’engagea entre le messager et elle, jusqu’à ce qu’enfin le cierge se rompît, de telle façon que la matrone et le messager en gardaient en main chacun une moitié. Là-dessus, la dame se réveilla de sa vision, et constata qu’elle tenait en main la moitié d’un cierge. Ce que voyant, elle rendit d’immenses grâces à Notre Dame, qui lui avait permis d’assister à la messe ce jour-là, et à une messe comme celle où elle avait assisté. Après quoi elle garda le cierge comme une relique des plus précieuses ; et quiconque le touchait était aussitôt guéri, de quelque maladie qu’il fût atteint.