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XIX
INTRODUCTION

Jacques de Voragine que Memling et Carpaccio nous racontent le voyage de sainte Ursule avec ses onze mille compagnes. Quand Piero della Francesca, dans ses fresques d’Arezzo, ou Agnolo Gaddi dans celles de Florence, nous font assister aux aventures diverses du bois de la sainte Croix, ils suivent de phrase en phrase le texte de la Légende Dorée. D’autres prennent même, dans le vieux livre, des sujets profanes, et, comme Thierry Bouts au Musée de Bruxelles, nous détaillent, d’après l’Histoire Lombarde, un acte de justice de l’empereur Othon. Et il n’y a point jusqu’aux grands tableaux de Rubens, de Murillo, de Poussin, qui ne reproduisent les scènes des martyres des saints ou de leurs miracles exactement comme le bienheureux évèque de Gênes les a « compilées » à notre intention. Toute la part que, aujourd’hui encore, notre imagination mêle à ce que nous apprennent, de l’histoire sacrée, les Écritures et la Tradition, tout cela nous vient, en droite ligne, de la Légende Dorée.


Aussi ne saurait-on trop déplorer le profond discrédit qu’ont cru devoir jeter sur ce livre d’éminents écrivains religieux de la Renaissance et du xviie siècle, depuis Vivès, l’ami d’Érasme, jusqu’à l’impitoyable Jean de Launoi, le « dénicheur de saints », dont un contemporain disait qu’il « avait plus détrôné de saints du paradis que dix papes n’en avaient canonisé ». Ces savants hommes ont évidemment lu la Légende Dorée, comme toutes choses, avec l’impression qu’un ministre calviniste lisait par-dessus leur épaule, guettant une occasion de se moquer d’eux. Et