Page:Voragine - Légende dorée.djvu/275

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qui a créé toutes les choses qui se voient ! » Mais l’enfant répondit qu’il préférait dire comme on le lui avait appris à l’école, et croire à ce qu’il avait lu dans les livres saints. En vain son oncle s’efforçait de le convaincre, à grand renfort d’autorités de sa secte : l’enfant, plein de l’Esprit-Saint, retournait contre lui tous ses arguments, le frappant ainsi de son propre glaive, sans lui laisser d’issue par où s’échapper. Et l’oncle, furieux de se voir confondre par un enfant, se plaignit au père du petit Pierre, insistant pour que celui-ci quittât aussitôt l’école qu’il fréquentait. « Je crains, en effet, disait-il, que ce Pierrot, ses études achevées, se rallie à l’odieuse église de Rome, et aide par là à détruire notre foi ! » En quoi cet hérétique, à son insu, se montra bon prophète, car Pierre était en effet destiné à détruire la perfide hérésie d’Arius. Mais Dieu fit en sorte que le père refusa de suivre le conseil de son frère, se disant qu’il pourrait toujours ramener son fils aux doctrines de sa secte lorsque l’enfant aurait achevé son éducation. Or l’enfant, jugeant que c’était chose peu sûre d’habiter avec des scorpions, et dédaignant le monde, et haïssant l’erreur de ses parents, s’empressa, dès sa sortie de l’école, d’entrer dans l’ordre des Frères Prêcheurs. Le pape Innocent nous dit à ce sujet, dans son épître : « Renonçant de bonne heure aux mensonges du monde, le bienheureux Pierre s’affilia à l’ordre des Prêcheurs. Il y passa près de trente ans et lutta vaillamment pour la défense de sa foi, jusqu’au jour où ses ennemis, exaspérés des coups qu’il leur portait, lui fournirent l’occasion d’un enviable martyre. Et ainsi Pierre, s’appuyant sur la pierre de la foi, s’éleva enfin jusqu’au trône du Christ. Toute sa vie, aussi, il garda intacte la virginité de son corps et de son âme, et jamais il n’éprouva l’atteinte d’aucun péché mortel, suivant ce qu’ont attesté ses confesseurs. Et toute sa vie il mortifia sa chair en s’abstenant de tout excès de nourriture ou de boisson. Et, de peur que, durant son repos, il ne fût tenté de succomber aux pièges de l’ennemi, il s’exerçait sans relâche à défendre sa foi. La nuit même, après un court sommeil,