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la légende dorée

il alla au-devant de lui, et lui dit : « Serviteur de Dieu, je suis étranger. Daigne m’admettre dans ta maison et me laisser manger les miettes de ta table, afin que, si quelqu’un des tiens se trouve à l’étranger, Dieu ait pareillement pitié de lui ! » Sur quoi son père, se souvenant de son fils, offrit à l’étranger une chambre dans sa maison, le fit nourrir des mets de sa propre table, et attacha à sa personne un serviteur spécial. Mais lui, il passait tout son temps en prières, macérant son corps par le jeûne et les veilles. Et les familiers de la maison se moquaient de lui et lui versaient de l’eau sale sur la tête : mais il supportait tout sans jamais se plaindre.

Il vécut ainsi dix-sept ans, inconnu, dans la maison de son père. Puis, l’Esprit-Saint lui ayant annoncé que le terme de sa vie était proche, il se procura un papier avec de l’encre, et consigna par écrit toute l’histoire de sa vie.

Le dimanche suivant, après la messe, une voix se fit entendre dans le temple, disant : « Venez à moi, vous tous qui souffrez, et je vous consolerai ! » Ce qu’entendant, toute la foule, effrayée, se prosterna la face contre terre. Et la voix dit de nouveau : « Cherchez l’homme de Dieu, afin qu’il prie pour Rome ! » On chercha sans trouver personne. Alors la voix dit : « Cherchez dans la maison d’Euphémien ! » Mais celui-ci, interrogé, répondit qu’il ne connaissait point l’homme qu’on cherchait.

Alors les empereurs Arcade et Honorius se rendirent dans sa maison avec le pape Innocent ; et voici que le serviteur chargé d’Alexis vint trouver son maître et lui dit : « Seigneur, peut-être l’homme qu’on cherche est-il votre étranger, car personne ne l’égale en patience et en sainteté ! » Aussitôt Euphémien courut à la chambre de l’étranger ; il trouva celui-ci déjà mort, mais avec un visage illuminé comme celui d’un ange. Et Euphémien voulut prendre le papier qu’il tenait en main, mais le mort refusa de s’en dessaisir. Ce qu’apprenant, les empereurs et le pontife s’approchèrent de lui à leur tour, et lui dirent : « Quelque pécheurs que nous soyons, nous