Aller au contenu

Page:Voragine - Légende dorée.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eux, s’arrête, se met à trembler et dit au chevalier : « Traître, est-ce ainsi que tu te joues de moi en récompense de tant de bienfaits ? Je t’avais dit de m’amener ta femme, et, au lieu d’elle, c’est la Vierge Marie qui vient avec toi ! J’espérais tourmenter ta femme, pour me venger du dommage qu’elle me faisait par sa piété, et Celle que tu m’amènes, c’est elle qui va me tourmenter et me renvoyer en enfer ! » L’homme, frappé d’étonnement et de terreur, restait interdit. Et la Vierge dit au démon : « Maudit, comment as-tu osé projeter de nuire à ma chère servante ? Pour te punir, je t’ordonne de rentrer de suite en enfer, et te défends, désormais, de vouloir faire aucun mal à toute personne qui m’invoquera ! » Le diable s’enfuit en gémissant. Le chevalier, sautant de son cheval, se prosterna aux pieds de la Vierge qui, après lui avoir reproché son crime, lui ordonna d’aller rejoindre sa femme, endormie dans l’église, et puis de rejeter toutes les richesses qui lui venaient du diable. Alors l’homme, resté seul, courut jusqu’à l’église : il réveilla sa femme, et lui raconta ce qui lui était arrivé. Après quoi tous deux, rentrés dans leur maison, rejetèrent toutes les richesses du diable et vécurent pieusement dans le culte de la Vierge Marie, qui ne se fit pas faute, à son tour, de les combler de richesses.

IV. Un homme chargé de péchés fut ravi en esprit au jugement de Dieu. Il vit arriver Satan, qui dit au Seigneur : « Il n’y a, dans cette âme, rien qui t’appartienne ! Elle est à moi tout entière, et j’en ai une preuve irréfutable ! » Et le Seigneur : « Quelle est cette preuve ? » Et Satan : « C’est ta propre parole. Car tu as dit à Adam et à Ève : « Si vous mangez de ce fruit, vous mourrez aussitôt ! » Or cet homme est de la race de ceux qui ont mangé du fruit défendu ; et, par conséquent, il doit être voué à la mort éternelle ! » Alors le Seigneur invita l’homme à se défendre ; mais l’homme ne trouva rien à dire. Puis le démon reprit : « Et cette âme me revient encore par prescription, car il y a déjà trente ans qu’elle n’obéit qu’à moi ! » De nouveau, l’homme ne trouva rien à répondre. Mais le Seigneur, ne voulant pas encore