Page:Voragine - Légende dorée.djvu/482

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nard : « L’as-tu jamais vu ? » Et le diable : « Oui ! » Et Bernard : « Où l’as-tu vu ? » Et le diable : « Dans le ciel ! » Et Bernard : « As-tu donc été dans le ciel ? » Et le diable : « Oui ! » Et Bernard : « Comment en es-tu sorti ? » Et le diable : « J’en ai été précipité avec Lucifer ! » Il disait tout cela d’une voix lugubre, parlant toujours par la bouche de la femme, en présence de tous. Et Bernard lui dit : « Aimerais-tu retourner au ciel ? » Et le diable, avec un gémissement piteux : « Hélas ! il est trop tard ! » Puis, sur l’ordre de Bernard, il sortit de la femme ; mais à peine le saint s’était-il remis en route, que le mari, accourant derrière lui, lui apprit que le maudit avait de nouveau pris possession de sa femme. Alors Bernard lui conseilla d’attacher au cou de sa femme un papier contenant ces mots : « Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, je te défends, démon, de toucher désormais à cette femme ! » Ainsi fut fait, et force fut au diable de respecter la défense.

Il y avait en Aquitaine une pauvre femme que tourmentait, depuis six ans, un incube luxurieux. Lorsque Bernard arriva dans l’endroit où vivait cette femme, l’incube défendit à sa victime de s’approcher du saint, la menaçant, si elle le faisait, de n’être plus désormais son amant, mais son persécuteur. La femme, cependant, vint trouver Bernard, et lui raconta en gémissant le mal dont elle souffrait. Et Bernard : « Prends mon bâton et mets-le dans ton lit, et nous verrons ensuite ce que l’ennemi osera faire ! » La nuit, dès que la femme fut dans son lit, l’incube accourut ; mais non seulement il ne put se livrer à sa maudite tâche de toutes les nuits : il ne put même pas s’approcher du lit. Il s’en alla, furieux, avec des menaces terribles. Ce qu’apprenant, Bernard réunit tous les habitants de la ville, leur fit tenir en main des cierges allumés ; et tous, d’une même voix, excommunièrent le diable, lui défendant désormais l’accès de la ville. Depuis lors, la femme se trouva délivrée.

Bernard était venu en Aquitaine pour réconcilier avec l’Église le duc de cette province. Et comme celui-ci se refusait à toute réconciliation, Bernard alla vers l’autel,