Page:Voragine - Légende dorée.djvu/484

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soudain, lui fit connaître la gloire du défunt, de telle sorte que, après la communion, changeant la forme de sa prière, il s’écria joyeusement : « Dieu, qui as daigné admettre le bienheureux Malachie au nombre de tes saints, permets, nous t’en prions, que, de même que nous célébrons la fête de sa mort, nous imitions aussi l’exemple de sa vie ! » Le diacre fit signe à Bernard qu’il se trompait dans sa prière. Mais Bernard : « Pas du tout ! Je sais ce que je dis ! » Après quoi il alla baiser les restes du saint.

À l’approche du carême, Bernard demanda aux étudiants de vouloir bien s’abstenir, au moins pendant les saints jours, de leurs amusements et de leurs débauches. Mais, comme ils s’y refusaient, il leur fit verser du vin, en disant : « Buvez donc de ce vin des âmes ! » Et à peine l’eurent-ils bu qu’ils furent tout changés. Et eux, qui n’avaient pas voulu accorder à Dieu quelques journées, ils lui accordèrent tout le temps de leur vie.

Enfin saint Bernard, sentant la mort approcher, dit à ses frères : « Je vous laisse en héritage l’exemple de trois vertus que je me suis efforcé toute ma vie de pratiquer. J’ai toujours évité de scandaliser personne ; j’ai toujours eu moins de confiance en moi-même que dans les autres, et jamais je n’ai tiré vengeance de mes persécuteurs. » Puis il s’endormit au milieu de ses fils, en l’an 1143, dans la soixante-troisième année de son âge, après avoir fondé cent soixante monastères, accompli de nombreux miracles et écrit une foule de livres et de traités.

Après sa mort, sa gloire fut révélée à de nombreuses personnes. Il apparut notamment à un certain abbé, et l’engagea à le suivre. Puis il le conduisit au pied d’une montagne, et lui dit : « Reste ici, pendant que je vais monter là-haut ! » L’abbé lui demanda ce qu’il allait faire. Et Bernard : « Je vais apprendre ! » Et l’abbé, tout surpris : « Que veux-tu apprendre, mon père, toi qui n’a pas aujourd’hui ton pareil pour la science ? » Et Bernard : « Il n’y a ici-bas ni science, ni connaissance, c’est là-haut seulement qu’il y a plénitude de science, c’est là-haut qu’est la vraie connaissance de la vérité ! » Et, ce disant,