Page:Voragine - Légende dorée.djvu/519

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elle s’éveilla, Savine demanda à sa sœur de lait : « N’as-tu rien vu ni entendu ? » Et elle : « Maîtresse, j’ai entendu une voix qui te parlait, mais je ne sais pas ce qu’elle te disait. » Et Savine : « Est-ce que tu ne me dénonceras pas ? » Et la sœur de lait : « Non certes, maîtresse ! Tout ce que tu feras sera bien, pourvu seulement que tu ne t’ôtes point la vie ! » Et, le lendemain, toutes deux s’enfuirent. Et comme son père ne parvenait pas à la retrouver, il dit, levant les mains au ciel : « S’il y a vraiment là-haut un Dieu puissant, qu’il détruise mes idoles, qui n’ont pas su protéger mes enfants ! » Alors Dieu, d’un coup de tonnerre, brisa toutes les idoles : ce que voyant, un grand nombre de personnes se convertirent à la foi chrétienne.

Cependant Savine, venant à Rome, fut baptisée par le pape Eusèbe, guérit deux aveugles et deux paralytiques, et demeura cinq ans dans la ville. Mais un jour un ange lui apparut en rêve et lui dit : « Savine, n’as-tu donc abandonné toutes tes richesses que pour venir ici vivre dans les délices ? Lève-toi, et va dans la ville de Troyes, pour y retrouver ton frère ! » Alors Savine dit à sa sœur de lait : « Nous devons nous en aller d’ici ! » Et elle : « Maîtresse où veux-tu aller ? Ici tu es aimée de tous, et tu veux aller chercher la mort dans des pays étrangers ! » Mais Savine : « Dieu aura soin de nous ! »

Puis, prenant un pain d’orge, elle se rendit à Ravenne, et entra dans la maison d’un riche dont la fille était mourante. Et comme elle demandait à la servante de ce riche qu’on lui accordât l’hospitalité, la servante lui dit : « Comment pourrais-tu recevoir l’hospitalité ici, où la fille de mes maîtres est en train de mourir, et où tous sont plongés dans la désolation ? » Mais Savine : « Je ferai en sorte qu’elle ne meure pas ! » Puis, entrant dans la maison, elle prit la main de la mourante, qui, aussitôt, se releva guérie. On voulut retenir Savine, mais elle poursuivit son chemin. Arrivée à un mille de Troyes, elle s’arrêta pour prendre un peu de repos. Vint à passer un homme noble de la ville, nommé Licérius, qui leur demanda : « D’où êtes-vous ? »