Page:Voragine - Légende dorée.djvu/559

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tiques d’Eustache, puis ses chevaux et tout son bétail. Ce furent ensuite des voleurs qui, voyant sa maison ainsi dévastée, y pénétrèrent la nuit, emportèrent tout ce qu’il y avait, dans la maison, d’or, d’argent et d’objets de valeur : si bien qu’Eustache fut encore trop heureux de pouvoir s’enfuir, nu, avec sa femme et ses fils. Honteux de leur nudité, ils prenaient le chemin de l’Égypte afin de s’y cacher. Arrivés au bord de la mer, ils trouvèrent un bateau et y montèrent. Or le maître du bateau, frappé de la beauté de la femme d’Eustache, éprouva le désir de la possède. Et comme les voyageurs n’avaient pas de quoi payer leur transport, cet homme exigea que la jeune femme lui fût laissée en gage : ce à quoi Eustache ne voulut point consentir. Alors le maître du bateau ordonna à ses matelots de le jeter à la mer. Et Eustache, l’ayant appris, dut se résigner à leur laisser sa femme. Tristement il s’en allait avec ses deux enfants, et il gémissait, et il disait : « Malheur à moi et à vous, car voici que votre mère se trouve livrée à un autre mari ! » Il parvint ainsi jusqu’à la rive d’un grand fleuve dont les eaux étaient si hautes qu’il n’osait pas les traverser à la nage avec ses deux fils. Il laissa donc l’un d’eux sur le bord, tandis qu’il transportait l’autre. Puis ayant achevé cette première traversée, il déposa l’enfant sur l’autre rive, et revint chercher celui qu’il avait laissé derrière lui. Mais, comme il se trouvait au milieu du fleuve, il vit un loup qui, s’élançant sur l’enfant qu’il allait chercher, le prenait entre ses dents et l’emportait dans le bois. Désespéré, Eustache voulut du moins rejoindre l’enfant à qui il avait fait déjà passer le fleuve. Mais, avant d’atteindre au rivage, il vit qu’un lion accourait et lui enlevait son second fils. Alors le pauvre homme se mit à gémir et à s’arracher les cheveux ; et, certes, il se serait noyé, si la Providence divine ne l’avait retenu.

Cependant des bergers, voyant un lion qui emportait un enfant, se mirent à sa poursuite avec leurs chiens ; et Dieu permit que le lion rejetât l’enfant sans lui faire aucun mal. De même des laboureurs poursuivirent le