Page:Voragine - Légende dorée.djvu/565

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se réjouit fort, pensant que l’objet de l’apôtre était de convaincre Euphigénie. Mais alors Matthieu reprit, poursuivant son discours : « Le mariage étant ainsi chose sacrée et inviolable, un esclave qui voudrait posséder la femme de son roi mériterait la mort. Et de même toi, Hirtacus, sachant qu’Euphigénie est la femme du roi éternel, comment oses-tu songer à prendre la femme de plus puissant que toi ? » Ce qu’entendant, le roi, fou de rage, sortit de l’église. L’apôtre, plein de constance et d’intrépidité, engagea le peuple à la patience, et bénit Euphigénie, qui, épouvantée, s’était prosternée à ses pieds. Quand la messe fut achevée, le roi envoya dans l’église un bourreau qui, frappant par derrière, de son épée, l’apôtre debout devant l’autel et les mains jointes, en prière, le tua sur place, et lui assura ainsi la couronne du martyre.

La foule, indignée, s’apprêtait à courir au palais du roi pour y mettre le feu, lorsque les prêtres et les diacres la retinrent, l’engageant à célébrer plutôt, joyeusement, le martyre de l’apôtre. Et le roi, voyant que ni les entremetteuses ni les mages ne parvenaient à fléchir la résolution d’Euphigénie, fit disposer un cercle de flammes autour de son couvent, pour la faire périr avec les autres vierges. Mais saint Matthieu, apparaissant à celles-ci, détourna le feu de leur maison, vers le palais du roi, qui se trouva aussitôt consumé. Seuls le roi et son fils unique échappèrent à l’incendie ; et aussitôt le fils, confessant les crimes de son père, courut au tombeau de l’apôtre, tandis que le père, atteint d’une lèpre hideuse et incurable, se donna la mort de sa propre main. Alors le peuple prit pour roi le frère d’Euphigénie, qui régna soixante ans. Ce prince, et après lui son fils, étendirent encore le culte du Christ, remplissant d’églises toute l’Éthiopie. Quant à Zaroes et Arphaxal, dès le jour où Matthieu avait ressuscité le fils du roi, ils s’étaient enfuis en Perse, où les apôtres Simon et Jude devaient, à leur tour, déjouer victorieusement leurs sortilèges.

II. Quatre choses sont particulièrement remarquables chez saint Matthieu : 1o c’est d’abord la rapidité de son