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LA LÉGENDE DORÉE

J’ai édifié une haute tour, et tu me dis, à moi qui l’ai édifiée, de la détruire ? J’ai fait surgir une source du sol, et tu me dis de la faire tarir ? »

Alors le roi, furieux, fit apporter des lames de fer rougies au feu, et ordonna à l’apôtre de mettre sur elles ses pieds nus. Mais aussitôt, sur un signe de Dieu, une source jaillit du sol et refroidit le fer. Puis le roi, conseillé par son beau-frère, le fit plonger dans une fournaise ardente ; mais celle-ci s’éteignit aussitôt, et l’apôtre en sortit, le lendemain, sain et sauf. Et Carisius dit au roi : « Ordonne-lui de sacrifier au dieu du soleil, afin qu’il encoure la colère de son dieu, qui le protège ! » Le roi suivit son conseil, mais Thomas lui dit : « Tu t’imagines que, comme le dit ton beau-frère, mon Dieu se fâchera contre moi, si j’adore le tien ; mais c’est plutôt contre ton dieu qu’il se fâchera, et il le détruira au moment où je l’adorerai. Si donc mon Dieu ne détruit pas le tien au moment où je l’adorerai, je consentirai à lui sacrifier ; mais si mon Dieu détruit le tien, promets-moi que tu croiras en lui ! » Et le roi dit : « Tu oses encore me traiter comme si j’étais ton égal ! » Alors l’apôtre ordonna en hébreu au démon qui était dans l’idole de détruire celle-ci aussitôt qu’il fléchirait les genoux devant elle. Puis, fléchissant les genoux, il dit : « J’adore, mais non pas cette idole, j’adore, mais non pas ce métal, j’adore, mais non pas ce simulacre : j’adore mon maître Jésus-Christ, au nom duquel je t’ordonne, démon de cette idole, de la détruire aussitôt ! » Et aussitôt l’idole fondit comme de la cire. Sur quoi tous les prêtres poussèrent des mugissements, et le grand prêtre du temple, levant son épée, transperça l’apôtre, en disant : « Je venge l’injure faite à mon dieu ! » Et le roi et Carisius s’enfuirent, voyant que le peuple voulait venger l’apôtre et brûler vif le grand prêtre. Mais les chrétiens enlevèrent le corps, et l’ensevelirent solennellement.

Longtemps après, vers l’an du Seigneur 230, le corps de l’apôtre fut transporté par l’empereur Alexandre, sur la prière des Syriens, dans la ville d’Édesse, qu’on appe-