Page:Voragine - Légende dorée.djvu/697

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l’enfant. Tous répondirent qu’il serait grand en puissance et en richesse ; mais le plus sage d’entre, eux ajouta : « Ô roi, l’enfant qui t’est né sera en effet tout cela, mais dans un autre royaume que le tien ! car, si je ne me trompe, il sera un des princes de cette religion chrétienne que tu persécutes ! » Ce qu’entendant, le roi, effrayé, fit construire à l’écart un magnifique palais, qu’il donna pour demeure à son fils ; et il lui donna pour compagnons de beaux jeunes gens, en leur recommandant de ne jamais parler à Josaphat ni de la vieillesse, ni de la maladie, ni de la pauvreté, ni de rien d’attristant : de telle sorte que l’esprit de l’enfant, tout occupé de choses gaies, n’eût jamais l’occasion de penser à l’avenir ; Si l’un des compagnons de Josaphat était malade, il aurait aussitôt à être remplacé par un autre bien portant. Mais surtout, défense était faite de jamais mentionner le nom ou la doctrine du Christ.

Il y avait alors auprès du roi un haut fonctionnaire qui était chrétien, mais en secret. Cet homme, chassant un jour avec le roi, aperçut à terre un mendiant qu’une bête féroce avait blessé au pied. Et le mendiant le pria de le recueillir chez lui, ajoutant qu’il pourrait lui rendre service. Alors le ministre : « Je consens volontiers à te recueillir chez moi, mais je ne vois guère comment tu pourrais m’être utile ! » Et le mendiant : « C’est que je suis médecin des paroles. Si quelqu’un souffre d’une parole qu’il a dite ou entendue, je sais des remèdes pour le guérir. » Le ministre, sans prendre au sérieux les mots du mendiant, l’emmena chez lui et le soigna, par charité chrétienne. Or des hommes jaloux et méchants, pour nuire à ce ministre, l’accusèrent auprès du prince non seulement d’être chrétien, mais de flatter le peuple pour s’emparer du pouvoir. Et ils dirent au roi : « Si tu veux en avoir la preuve, reçois-le en particulier, et dis-lui que, sentant l’approche de la mort, tu as l’intention de renoncer au trône pour te faire moine ! Tu verras bien ce qu’il te répondra. » Le roi suivit leur conseil ; et le ministre, ne soupçonnant point la ruse, loua fort l’intention qu’exprimait son maître. Ce dont le roi fut rempli