Page:Voragine - Légende dorée.djvu/699

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on meurt. » Et le jeune homme, roulant dans son cœur toutes ces pensées nouvelles, se désolait en secret, bien que, devant son père, il continuât de feindre la gaîté.

Or, un saint moine nommé Barlaam vivait alors dans le désert de Sennaar. Instruit par l’Esprit-Saint de ce qui arrivait au fils du roi, il prit l’habit d’un marchand, se rendit à la capitale, et, abordant le précepteur du prince, il lui dit : « Je suis marchand, et j’ai à vendre une pierre merveilleuse qui ouvre les yeux aux aveugles, et les oreilles aux sourds, rend lu parole aux muets et la raison aux fous. Conduis-moi près du jeune prince, pour que je la lui montre ! » Et le précepteur : « Je me connais en pierres. Montre-moi celle dont tu parles, et, si elle est telle que tu le dis, le fils du roi te l’achètera ! » Mais Barlaam : « Ma pierre a encore cette propriété que seuls peuvent la voir ceux qui sont chastes et que n’a point corrompus le péché. Avec les yeux que tu as, tu ne pourrais pas la voir, tandis qu’on m’a dit que le fils du roi était chaste et ignorait le mal. » Le précepteur le conduisit alors devant Josaphat, qui l’accueillit avec déférence. Et Barlaam : « Prince, tu as bien fait de me recevoir, sans dédaigner mon humble figure ! Tu as fait comme un roi qui, quand il voyageait dans son carrosse doré et rencontrait des mendiants en haillons, descendait de son carrosse et leur baisait les pieds. Les ministres de ce roi, n’osant le blâmer ouvertement, dirent à son frère comment il se conduisait ; et le frère, lui aussi, en fut scandalisé, Or c’était l’usage que, lorsqu’un homme était condamné à mort, le crieur du roi venait sonner de la trompe devant sa maison. Un soir, donc, le roi envoya son crieur sonner de la trompe devant la maison de son frère. Ce qu’entendant, celui-ci se crut condamné à mort. Il ne put dormir de toute la nuit, fit son testament, s’habilla tout de noir et vint en pleurant au palais du roi avec sa femme et ses enfants. Et le roi lui dit : « Sot que tu es ! Tu t’es effrayé en entendant le messager de ton frère, envers qui tu sais que tu n’es point coupable ; et tu me blâmes de m’émouvoir à la vue des messagers de Dieu, contre