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LA LÉGENDE DORÉE

les pieds à treize pauvres, qu’ensuite il nourrissait, et à qui il donnait encore quatre deniers d’argent.

Mais le roi s’efforçait de le fléchir à sa propre volonté, au détriment de l’Église. Il voulait que Thomas approuvât, comme avaient fait ses prédécesseurs, certaines coutumes royales qui étaient contraires à la liberté de l’Église. Et comme le nouvel archevêque s’y refusait, il s’attira la colère du roi et des grands. Un jour, le roi le pressa si fort, lui et les autres évêques, allant jusqu’à les menacer de mort, que, trompé par le conseil des grands de l’État, il donna son approbation au désir du roi. Mais quand il vit le danger qui allait en résulter pour les âmes, il résolut de se punir lui-même, et il renonça au service des autels, jusqu’au jour où le souverain pontife le jugerait digne de rentrer en fonction. Et lorsque le roi lui demanda de confirmer par écrit ce qu’il avait approuvé de vive voix, il s’y refusa avec courage, et, tenant sa croix levée, il s’éloigna, poursuivi par les cris de mort des impies. Et deux chevaliers qui lui étaient fidèles vinrent en pleurant lui révéler, sous serment, que plusieurs chevaliers complotaient sa mort. Sur quoi l’homme de Dieu, craignant plutôt pour l’Église que pour lui-même, s’enfuit, fut reçu à Sens par le pape Alexandre, qui le fit entrer dans le monastère de Pontigny ; après quoi il vint en France. Et comme le roi avait envoyé à Rome pour demander qu’un légat vint trancher ce différend, et comme sa demande avait été repoussée, sa colère contre l’archevêque ne connut plus de bornes. Il s’empara de tout ce qui appartenait à Thomas et aux siens, et condamna à l’exil toute sa famille, sans considération d’âge, de sexe, ni d’état.

Cependant, l’évêque, tous les jours, priait pour le roi et pour l’Angleterre. Un jour le ciel lui révéla que le moment approchait où il pourrait rejoindre son église, et que le Christ lui réservait bientôt la palme du martyre. Et en effet, après sept ans d’exil, il fut rappelé en Angleterre, et reçu par tous avec les plus grands honneurs.

Quelques jours avant le martyre du saint, un jeune