Page:Voyage à travers l’Impossible.djvu/34

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Ammon : Quel est cet homme ?

Ascalis : Quel mystère t’a-t-il dévoilé ? Parle.

Tous : Oui, parle.

Électre : Attendez… Celui qui se dit l’envoyé du destin va lui-même le faire connaître.

Ascalis : Qu’il vienne donc.

Tous : Qu’il vienne…

Électre : Le voici.

(Ox paraît)

Ammon : Étranger qui es-tu ?

Ox : Je suis le messager de celui que vos prophéties ont annoncé, et qui doit régner sur l’Atlantide.

Ascalis : Notre race est-elle si dégénérée… qu’on ne puisse trouver parmi nous un homme digne du trône ?

Ox : Lorsque vous saurez les prodiges accomplis pour arriver jusqu’à vous par celui que je représente, tous vos suffrages se porteront sur lui.

Ammon : Est-ce donc un Dieu que tu nous annonces ?

Ox : C’est un homme que son courage a élevé au-dessus de l’humanité tout entière. Ni le feu, ni l’eau, ni les abîmes terrestres n’ont de secrets pour lui !… Que sont auprès de cet audacieux les héros qui ont illustré votre histoire ? Dites, en est-il un seul qui se puisse comparer à lui ?

Tous : Non, non.

Électre : Qu’il vienne… et les acclamations du peuple l’élèveront à la Suprême puissance ! Et il sera l’heureux époux de Céléna.

Ox : Céléna ?

Électre : La merveille de l’Atlantide, l’incomparable fille du roi Atlas.

Ox : Qu’il soit donc fait ainsi, celui que je précède sera le digne époux de la fille de votre roi.


Scène IV

Les mêmes, Georges, Éva.

Ox : L’homme que vous attendez, le voici.

Tous : Évohé ! Évohé !

Georges : Que me veulent-ils ?

Ox : Ils ont appris par moi les prodiges que tu as accomplis, et leur admiration t’appelle au trône des Atlantes.

Éva : Que dites-vous ?

Georges : Qui ?… moi ?… Je serais !…

Ox : Tu seras roi !

Tous : Oui ! oui !

Éva : Grand Dieu !

Georges : Vous l’avez entendu !… Tu l’entends, Éva, tu l’entends ! Roi de cette puissante nation conquise sur le passé ! Quel honneur ! Quelle gloire ! Quel triomphe !

Éva (à part) : Ah ! voilà donc pourquoi il l’a conduit ici… C’est la dernière atteinte portée à sa raison ! (haut) Georges, écoute-moi, entends ma voix, repousse cette royauté mensongère.

Georges : Mensongère, as-tu dit, quand je suis le souverain de toute une nation ressuscitée pour moi ! Pour moi qui allierai désormais les merveilleux souvenirs de l’antiquité aux glorieuses découvertes modernes ! Quelle puissance est comparable à la mienne ? Roi de ce continent qui s’étend de l’ancien jusqu’au nouveau monde ! Je suis roi ! Je suis roi !

Ox : Et ce peuple immense se prosternera devant celui qui a fait ce que nul n’avait fait encore.

Georges (délirant) : Oui !… oui ! Ah ! ah ! ah ! La voilà donc enfin cette gloire tant désirée, cette suprématie si ardemment rêvée ! Moi, fils d’Hatteras, je suis roi des Atlantes !

Éva : Ne suis pas les conseils de ton orgueil !… Ferme l’oreille à ces tentations maudites !…

Tous : Évohé !… Évohé !…

Georges : Écoute !… N’entends-tu pas le peuple qui m’acclame !

Éva : Ce peuple… Oublies-tu donc qu’il n’est qu’une vaine évocation du passé. Ce pays, un empire éphémère, et cette royauté, un mirage où s’égare ton imagination… Georges, mon Georges bien-aimé, écoute ma prière, aie pitié de mes larmes.

Georges : Tes larmes… mais oui, oui tu pleures… Toi, Éva ! Ah ! je ne veux pas que tu pleures, entends-tu, je ne le veux pas !

Éva : Écoute-moi donc alors, écoute-moi bien !

Georges : Parle !… parle !

Éva : Georges, tu marches sur une pente fatale qui conduit au délire, qui mène à la folie !

Georges : Le délire !… la folie as-tu dit ?

Éva : Oui, oui, crois-en ma parole !… Est-ce que je t’ai jamais trompé ?

Georges : Eh ! bien, oui, je crois en toi, et je veux… je veux lutter… Parle-moi, Éva, parle-moi !

Éva (avec joie) : Ah ! notre amour le sauvera ! Courage, Georges, courage ! Combats encore ! Je suis à tes genoux moi, ton amie, ta sœur, ta fiancée…

Georges : Attends… attends… les ténèbres se dissipent, la vérité va luire à mes regards…

Éva : Et tu seras sauvé !… tu seras sauvé, Georges !

Ox (à part) : Sauvé !… (haut) Gloire à votre souverain !