Page:Voyage à travers l’Impossible.djvu/45

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Tartelet : Eh ! bien ! Je comprends cela.

Valdemar : Ah ! si vous aviez employé l’autre canon, celui qui porte à 1250 pieds, au-delà du but qu’on veut atteindre… les chevaux n’auraient toujours jamais rien dit mais les hommes auraient peut-être consenti plus facilement.

Tartelet : Mais, pourquoi nous avez-vous amenés ici, monsieur ?

Maston : Votre compagnon, M. Georges Hatteras, vous prie de l’y attendre, si toutefois vous êtes décidés à le suivre dans son nouveau voyage !

Tartelet : Nous sommes très décidés, Monsieur.

Valdemar : Certainement, mais où allons-nous ?

Maston : Chez les Altoriens.

Valdemar : Altoriens, connais pas…

Tartelet : Sur quel point de la terre habitent-ils ?

Maston : Mais sur aucun point.

Valdemar : Comment, sur aucun point ?

Maston : Certainement ! Altor est une planète récemment découverte, et c’est là que vous allez.

Valdemar : Permettez, permettez !… C’est là que nous allons… et… par quel moyen… s’il vous plaît ?…

Tartelet : Oui… par quel moyen… de locomotion ?…

Maston (se retournant et montrant l’immense canon) : Le moyen… le voilà…

Valdemar (effrayé) : Ça… allons donc… Mais… c’est…

Tartelet : C’est un canon !…

Valdemar : Un immense canon !…

Maston : C’est une Colombiad.

Valdemar et Tartelet : Une Colombiad ?…

Maston : Pourvue d’un wagon-projectile, lequel lancé par plusieurs milliers de kilos de picrate vous conduira tout droit à la planète Altor.

Valdemar : Et vous croyez que je vais monter là-dedans, moi et mon diamant de dix-sept millions !… Ah ! mais non !… Ah ! mais non !…

Maston : Comme il vous plaira.

Valdemar : Est-ce que vous allez vous encanonner vous Tartelet ?

Tartelet (tranquillement) : Moi ?… ça dépend.

Valdemar : Cela dépend de quoi ?

Tartelet (à Maston) : Mlle Éva doit-elle partir aussi ?

Maston : Sans aucun doute. Rien, a-t-elle dit, ne la séparera de son fiancé.

Tartelet : Eh bien, moi, rien ne me séparera d’elle.

Valdemar : Mais, c’est de la folie, Tartelet ?

Tartelet : Vous avez peut-être raison Valdemar, mais quand je suis arrivé chez la grand-mère de cette jeune fille, j’étais bien pauvre et bien abandonné, j’avais faim et ces deux excellentes femmes m’ont recueilli, non comme un mendiant, mais comme un ami. C’est pour cela que j’ai suivi Mlle Éva lorsqu’elle est partie. Et aujourd’hui qu’un nouveau danger, plus grand que tous les autres, peut-être, se dresse devant elle, je l’abandonnerais, je m’en retournerais tranquillement auprès de sa grand-mère à qui je dirais : j’ai quitté votre fille, Madame, l’énergie que l’amour a donnée à cette enfant, la reconnaissance n’a pas pu l’inspirer à un homme !… Allons donc !… Je n’aurai jamais le courage d’être aussi lâche que ça !…

Valdemar (ému) : Eh ! bien ! ni moi non plus… Et je ne me séparerai pas de vous, Tartelet ! C’est bien, c’est très bien ce que vous venez de dire là Tartelet. Et il ne faudra pas attendre que vous veniez vous installer dans ma maison !… Ce sera un palais… Mon amitié, ma table, ma bourse et un tout petit morceau de mon diamant, tout cela est a vous, Tartelet !

(Il l’embrasse sur la joue.)

Maston : Alors, vous serez du voyage, tous les deux ?

Valdemar (avec énergie) : Oui, tous les deux… et je voudrais être déjà parti. Je voudrais même être déjà revenu.

Tartelet : À quelle heure le départ ?

Maston : À midi quarante deux… à mon chronomètre.

Valdemar : Ah ! ah ! à propos, je vais voir avant de partir si ma réponse est arrivée. On a peut-être oublié de me l’apporter ici !…

Tartelet : Quelle réponse ?

Valdemar : J’ai expédié une nouvelle dépêche à la cruelle Babichok, pour lui dire tout ce que j’ai fait, et lui apprendre tout ce que je vais faire encore pour qu’elle sache bien… Ah !… quel héros elle aura dédaigné, quel héros !… pardon messieurs. (Il sort.)


Scène II

Tartelet, Maston, Georges, Ox.
(Ils arrivent par la droite.)

Georges : Ici… C’est ici !…

Ox : Ici, est l’endroit du globe terrestre, que ton pied va fouler pour la dernière fois !…

Maston : Et voilà le canon gigantesque qui vous donnera la première impulsion vers l’infini.

Ox : Vers un monde plus ancien que le nôtre ;