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Scène IV

Les mêmes, Niels.

Niels : Madame, le docteur est là.

Georges (vivement) : Un médecin ?

Mme de Traventhal : Oui… mes enfants… un médecin que j’ai fait demander pour moi… On m’a appris qu’il y avait à ce moment à Aalborg un docteur de grand renom… Je l’ai fait prier de venir… Il me donnera quelques bons conseils… À toi aussi Éva, à Georges, à M. Tartelet.

Tartelet : Mais je ne suis pas malade.

Mme de Traventhal : On est toujours malade… plus ou moins… j’ai remarqué que les médecins guérissent surtout…

Tartelet : Surtout quand on se porte bien.

Mme de Traventhal : Faites entrer M. le docteur Ox.

Georges : Le docteur Ox qui a fait des expériences si extraordinaires, en doublant les facultés vitales sous l’influence de l’oxygène ?

Mme de Traventhal : Précisément.

Georges : Je suis curieux de le voir.

Tartelet (à part) : Il n’a pourtant pas besoin d’un supplément d’oxygène, M. Georges, il faudrait plutôt lui en ôter un peu.

Niels (annonçant) : Monsieur le docteur Ox !

Tartelet : Quelque charlatan sans doute !


Scène V

Les mêmes, le docteur Ox.
Ox entre par la porte du fond.

Éva (à part avec épouvante) : Qu’ai-je vu !… lui… l’homme qui me poursuit sans cesse !

OxMme de Traventhal) : Vous m’avez fait appeler, Madame, me voici.

Mme de Traventhal : Docteur, j’ai appris votre présence à Aalborg, où votre grande réputation vous a précédé… et je désire vous consulter…

Ox : Pour cette jeune fille peut-être ?

Éva (vivement) : Pour moi, non, non.

Mme de Traventhal : Éva se porte à merveille.

Ox : En êtes-vous bien sûre ? Voyez cependant cette pâleur, cette agitation… (lui saisissant la main)

Éva : Ah !

Ox : Et cette main si frêle qui frémit dans la mienne (Éva la retire vivement, il la retient). C’est comme de l’effroi, de la terreur, même… nous calmerons cela.

Éva (s’éloignant de lui) : Vous vous trompez… je n’ai ni effroi, ni terreur… (à part) mes pressentiments me disent qu’avec cet homme, le malheur est entré dans notre maison.

Georges (au docteur) : Docteur… je suis heureux de vous connaître, j’ai suivi de loin, mais avec un profond intérêt, vos admirables expériences.

Ox : En vérité ?

Georges : Accroître la proportion d’oxygène de l’air, transformer le corps et l’âme ! Doubler, tripler les facultés passionnelles. Cela est magnifique.

Ox : Et bien simple, monsieur. Le corps humain est comme un poêle allumé ! J’ai trouvé, tout bonnement le moyen d’y mettre un peu plus de charbon. Mais parlons sans détour, monsieur. C’est vous que je dois traiter ici.

Georges : Moi !

Mme de Traventhal : Docteur, que dites-vous.

Ox : Pas de vains ménagements, Madame… la santé de ce jeune homme vous est chère.

Mme de Traventhal : Très chère, oui, sans doute.

Ox : Et à vous aussi Mademoiselle.

Éva (froidement) : Georges est mon fiancé, Monsieur.

Ox (à part) : Votre fiancé… (haut) Or son esprit nourrit des rêves qui vous paraissent insensés et vous voulez le guérir des grandes idées qui bouillonnent dans son cerveau.

Georges : Ainsi donc, c’est pour moi, que l’on vous a fait venir.

Ox : Pour vous, pour vous seul.

Mme de Traventhal : Qui vous a dit cela, Monsieur ?

Ox : Dans ce pays, Madame, votre nom est connu de tout le monde et l’histoire de ce jeune homme n’est ignorée que de lui seul.

Georges : Que dit-il ?

Ox : Vous comptez sur moi pour opérer sa guérison ! Eh bien soit, j’entreprendrai cette cure. Mais n’attendez pas de moi que je détourne sa pensée du but glorieux qu’il poursuit depuis longtemps…

Éva : Comment ?

Ox : Croyez-vous que ce soit en comprimant la vapeur qu’on l’empêche d’éclater ? Non, non ! laissez-lui dépenser, au contraire, sa généreuse ardeur, n’étouffez pas sa noble exaltation, qu’il dise jusqu’où il veut atteindre, et tâchons de lui frayer le chemin.

Georges : Ce que je veux, Docteur, c’est faire plus que n’ont fait les héros dont les noms sont écrits dans ces livres, c’est aller au-delà des limites qu’ils n’ont pu franchir. Le professeur Lidenbrok s’est enfoncé dans les entrailles de la terre, moi je veux aller jusqu’au feu central. Le capitaine