Page:Voyage A L'Ile-De-France ; Tome Second.pdf/82

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puisque la vue d'un seul misérable peut empoisonner le bonheur. Peut-on penser sans frémir que l'Afrique, l'Amérique et presque toute l'Asie, sont dans l'esclavage? Dans l'Indoustan on ne fait agir le peuple qu'à coups de rotin, de sorte qu'on en a appelé le bâton le roi des Indes; en Chine même, ce pays si vanté, la plupart des punitions de simple police sont corporelles. Chez nous les lois ont un peu plus respecté les hommes. D'ailleurs, quelque rudes que soient nos climats, la nature la plus sauvage m'y plaît toujours par un coin. Il est des sites touchans jusque dans les rochers de la pauvre Finlande; j'y ai vu des étés plus beaux que ceux des tropiques, des jours sans nuits, des lacs si couverts de cygnes, de canards, de bécasses, de pluviers, etc., qu'on eût dit que les oiseaux de toutes les rivières s'y étaient rendus pour y faire leurs nids. Des flancs des rochers tout brillans de mousses pourprées, et des lapis rouges du kloucva[1], s'élevaient de grands bouleaux, dont les feuillages verts, souples et odorans se mariaient aux pyramides sombres des sapins, et offraient à la fois des retraites à l'amour et à la philosophie. Au fond d'un petit vallon, sur une lisière de pré, loin de l'envie, était l'héritage d'un bon gentilhomme dont rien ne troublait le repos que le bruit d'un torrent que l'œil

[Footnote 1: Plante rampante d'un beau vert, dont la feuille ressemble à celle du buis. Elle donne un petit fruit rouge qui est un anti-scorbutique.]