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du grand Mogol.

dieſſe pour uſurper un Royaume, ne devoit guere être d’humeur à vivre & mourir en Fakire.

Ces deux Armées ainſi jointes faiſoient un corps aſſez conſiderable, ce qui fit grand bruit à la Cour, & donna beaucoup à penſer, non ſeulement à Dara, mais à Chah-Jehan même qui connoiſſoit la for­ce de l’eſprit & la conduite d’Aureng-Zebe, & le courage de Morad-Bakche, & qui prevoyoit bien qu’il s’alloit allumer un feu qui ſeroit très-difficile d’éteindre. Il a beau écrire lettres ſur lettres, qu’il ſe porte mieux, qu’ils ayent à s’en retourner chacun dans ſon Gouvernement, & qu’il aprouve & oubliera tout ce qui s’eſt fait juſques à preſent ; toutes ces lettres n’em­pêchent pas qu’ils n’avancent ; & comme la maladie de Chah-Jehan paſſe toujours pour mortelle, & qu’ils ne manquent pas de gens qui les en avertiſſent, ils continuent toujours à diſſimuler, diſant toûjours (& peut-être même qu’ils le croyoient ainſi) que ce ſont lettres contrefaites par Dara, que Chah-Jehan eſt mort ou ſur le point de mourir, & qu’enfin, en cas qu’il ſoit encore vivant, ils veulent aller lui baiſer les pieds, & le delivrer des mains de Dara.

Que