Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/121

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plaintes. Finalement, je suis toujours capable de ressentir le plus grand bien-être, sitôt qu’arrive une vive et belle impression. Vous vous rappelez, lors de mon dernier anniversaire, ce fut l’effet du vent d’est. Aujourd’hui, nous avons eu le premier brouillard d’automne : il m’a rappelé fortement Zurich. Peut-être qu’il amènera le beau temps. Celui-ci me fera grand bien. — J’ai déjà travaillé à la musique de ma nouvelle scène. Chose étrange ! tout ce qui est intérieur, passionné, — je dirai presque : fémininement extatique, je n’ai pu l’accomplir à l’époque où j’écrivais Tannhäuser : là j’ai à démolir et à reconstruire tout. Vraiment ma Vénus d’alors, cette Vénus de coulisses, m’épouvante ! Cela deviendra beaucoup meilleur, cette fois, — surtout si le brouillard amène le beau temps. Mais la fraîcheur, la joie de vivre qu’il y a dans Tannhäuser, tout cela est bien, et je n’y puis changer la moindre chose : tout ce qui porte avec soi l’odeur de la légende, d’ailleurs, y est déjà éthéré ; la plainte et le repentir de Tannhäuser sont excellents ; les ensembles irréprochables. Dans les parties passionées seulement, j’ai dû retoucher de-ci, de-là : par exemple, j’ai remplacé un trait de violons trop mou, au départ de Tannhäuser, à la fin du deuxième acte, par un nouveau trait, fort difficile, mais qui me satisfait uniquement. À mon orchestre d’ici, je puis tout offrir : c’est le premier du monde !