Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/135

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rieusement quelque chose me serait à jamais impossible. Avoir raison m’est de même indifférent, depuis que je sais combien est incroyablement petit le nombre des gens qui sont faits, seulement, pour comprendre les autres. Le violent désir, si naturel et pardonnable, d’obtenir de chacune de mes œuvres une représentation parfaitement adéquate à mon idéal, a fini pourtant par se refroidir aussi beaucoup, et cela, notamment, au cours de cette dernière année. Les rapports que j’ai repris avec les musiciens, les chanteurs, etc, m’ont coûté derechef de profonds soupirs, et ma résignation, de ce côté-là aussi, en a été nourrie et fortifiée. Il me faut comprendre, de plus en plus clairement, à quelle incalculable distance je me suis éloigné de cette base — invariable dans notre vie moderne — sur laquelle se fondent même les créations de mon art. Volontiers je reconnais que, si mon regard se porte soudain vers mes Nibelungen, vers Tristan, il me semble que je m’éveille en sursaut d’un rêve, et je me dis : « Où étais-tu ?… Tu as rêvé ! Ouvre les yeux et regarde : voici la réalité !… »

Oui, je ne nie pas que je tiens mes œuvres nouvelles proprement et précisément pour inexécutables. Si pourtant l’intime besoin se ranime de réaliser, ici même, une possibilité, cela encore ne redevient possible que parce que je laisse mon cerveau retourner au pays des