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113.

Pour le 23 Décembre 1860.

Je viens de trouver encore un feuillet de ma couleur :[1] il faut qu’il vous porte, amie, mes compliments pour votre anniversaire !

Que vous souhaiter ? Que vous offrir ? Une existence extrêmement difficile et sans repos me fait considérer comme souhaitable, entre toutes choses, le repos ! Je languis tellement après lui que je le souhaite aussi à autrui, et notamment à l’être qui m’est le plus cher, comme le bien suprême. Il est dur à conquérir : qui ne l’a pas reçu en naissant, ne l’aura guère en partage et, seul, l’entier brisement de son propre caractère pourra lui valoir cette conquête. Quiconque reste ainsi dans la vie, et sacrifie à tout moment sa nature à cette vie, celui-là, si nous regardons les choses en grand, peut bien être arrivé au calme presque parfait ; mais bientôt le menu détail de la vie quotidienne excitera de nouveau son tempérament, l’impatientera, l’inquiétera. Combien étrange, ce qui m’arrive maintenant ! Je reste froid, insensible, à tout ce qui met en mouvement, presque sans exception, le monde. La gloire n’a guère de puissance sur moi ; le gain n’en a que pour autant qu’il m’assure l’indépendance. Avec l’une ou l’autre éventualité en vue, entreprendre sé-

  1. Le Maître écrivait habituellement sur du papier couleur lilas.