Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/169

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décidément pas dévolue, à moi, malheureux (je dois pourtant excepter l’aimable ministre de Prusse à Paris), il ne me restait rien à faire que de me nicher encore une fois dans un hôtel. Je m’y suis installé pour quelques mois et c’est ici seulement que j’ai déballé mon petit ménage de Hollandais errant… Là reparut enfin le grand portefeuille vert. Je l’avais tenu fermé depuis Lucerne. Je pris la clef pour inspecter le trésor. Ciel, que vois-je ? Deux photographies : les lieux de naissance de Tristan, — « la colline verte » avec « l’asile », et le palais vénitien. — Puis les feuillets originels avec les premières esquisses, embryons étranges, les vers de la dédicace aussi, avec lesquels j’envoyai un jour, à l’enfant, les esquisses du premier acte, au crayon, terminées : quel plaisir il me firent, ces vers ! Ils sont si purs et loyaux !… Je retrouvai aussi, écrit au crayon, le lied d’où est sortie la scène nocturne. Dieu le sait ! ce lied me plut bien autrement que la scène superbe ! Bonté divine ! c’est plus beau que tout ce que j’ai fait ! Je frémis jusqu’à l’extrémité de mes nerfs lorsque j’entends cela !… Et porter dans le cœur la toute-présence d’un tel souvenir sans être bienheureux !! Comment serait-ce possible ? … Je refermai le portefeuille ; mais j’ouvris la dernière lettre avec le portrait : — et le cri jaillit !! Pardon, pardon !… je ne le répéterai pas !…