Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/201

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vous et vous confie ceci : elle est et reste mon premier, mon unique amour ! Je le sens de plus en plus distinctement. Ce fut l’apogée de ma vie : les années d’inquiétude et de bienheureuse angoisse, que je passai parmi le charme grandissant de sa présence et de son affection, contiennent toute la douceur de mon existence. La moindre circonstance m’évoque ce temps, immédiatement je m’y retrouve en plein, me reviennent au cœur les merveilleuses sensations qui, aujourd’hui comme autrefois, interrompent le cours de ma respiration, ne me permettent plus que les soupirs. Et, l’occasion vient-elle à manquer, le rêve, toujours délicieux et bienfaisant, est là pour me remémorer son image… Dites maintenant, mon amie ! Comment parler à cette femme dans les termes qui conviennent, qui sont nécessaires ? Impossible ! Oui, j’ai le sentiment, même, qu’il ne peut plus m’être permis de la revoir. Ah ! déjà à Venise, la rencontre avec elle me rendit bien malheureux : c’est seulement après avoir de nouveau perdu ce souvenir, que la femme m’est redevenue ce qu’elle était pour moi. Je le sens, elle me restera toujours admirable, et jamais ne se refroidira mon amour : mais la voir, cela ne m’est plus permis, sous cette épouvantable contrainte qui, si nécessaire que je la conçoive, amènerait la mort de notre amour. Que faire maintenant ? Est-ce que je laisserai croire faussement à la bien-