Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/202

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aimée qu’elle m’est devenue indifférente ? C’est pourtant bien dur ! Est-ce que vous l’arracheriez à cette croyance erronnée ? Est-ce que cela serait bon ? Je ne sais ! Et finalement la vie arrive pourtant à sa conclusion. C’est une misère ! —

Depuis mon départ de Zurich, je vis comme en exil — ce que j’ai tout sacrifié là, ce n’est pas à dire ! Pour l’instant, mon seul désir est d’arriver au repos domestique, afin de pouvoir me livrer absolument à mon travail. Au prix d’efforts inouis, j’ai acquis du moins la possibilité de fonder un nouveau foyer, qu’il me faut être tout seul à soigner maintenant. Des tentatives réitérées nous persuadèrent, moi et mes amis, que la vie commune avec ma femme est impossible, serait absolument pernicieuse pour tous deux. De sorte qu’elle vit à Dresde, où je pourvois à ses besoins largement, même au delà de mes moyens. Elle ne parvient pas encore à se résigner complètement, et dans la nécessité où je suis de combattre le retour des sursauts de compassion, il me faut faire montre de dureté, sous peine de prolonger ses souffrances, et d’annihiler pour moi toute possibilité de repos. J’affirme que cet effort est le plus pénible que j’aie jamais supporté. Pour cela je renonce aussi à tout, et ne veux que le repos pour mon travail, la seule chose qui m’acquitte devant ma conscience, et peut me donner réellement la liberté !