Aller au contenu

Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Maintenant, très chère, je vous en prie, parlez-moi parfois de notre amie ! J’espère que vous l’aimez encore, et qu’elle même vous est également restée fidèle ! Il est vraiment par trop dur de savoir qu’une existence inexprimablement chère s’écoule tellement étrangère et lointaine, sans qu’on puisse jamais y jeter le moindre regard ! Vous comprenez que ce que je puis apprendre par son mari ne me montre pas l’amie sous son vrai jour, — l’amie que je puis assurer de mon éternel amour, ne voulant plus jamais la revoir. Plus jamais ? C’est dur, mais nécessaire !

J’ai rouvert le portefeuille vert, qu’un jour elle m’envoya à Venise : que de souffrances depuis lors ! Et maintenant, tout à coup entourée du charme d’autrefois, si indiciblement beau ! Là, dans ce portefeuille, les esquisses de Tristan, de la musique pour ses poëmes ! Ah ! chère ! on n’aime qu’une seule fois, quelles que soient les ivresses, quelles que soient les joies que puisse faire passer devant vos regards la vie ! Oui, maintenant je suis pleinement assuré que je ne cesserai jamais de l’aimer, elle seule au monde ! Vous saurez respecter l’innocence de cet aveu, et me pardonnerez de vous l’avoir fait ! Adieu, restez la fidèle amie de

votre
Richard Wagner.