Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/210

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Comme si mon cœur n’était pas en moi, et c’est justement alors que l’inquiétude commence, d’abord sous la forme de la tristesse, puis sous la forme de la nostalgie. Alors j’aspire à une « présence », car rien qu’une « présence » peut m’apporter la paix ! Croyez-moi, le Dieu du bonheur et de la paix s’appelle la « présence » ! Oui ! maintenant il faut que cela aille sans « présence ». Je m’attache d’abord aux serviteurs, qui m’aiment vite ; puis arrive un chien. Mais je ne m’en suis pas encore procuré : j’ai une grande peur de tout ce qui est nouveau, de toutes circonstances nouvelles, même quand il s’agit d’un chien. Dernièrement, des voleurs ont pénétré chez moi, et me dérobèrent une tabatière en or, que l’orchestre de Moscou m’avait donnée à titre de souvenir. Cela émut le vieux baron qui demeure au-dessous de mon appartement : il mit son vieux chien de chasse à ma disposition. Celui-ci dort maintenant dans ma chambre, la nuit, et, le jour, ne veut plus me quitter : il ne me lâche pas d’une semelle. Il s’appelle Pohl ;[1] il est brun et fort ; mais, ainsi que je l’ai dit, déjà âgé : bientôt il mourra, tout comme Fips et Peps. C’est une misère ! Je le répète, je crois que je n’arriverai jamais à la véritable tranquillité : je me méfie même encore des Maîtres-

  1. Pohl vécut pendant toute la période de Munich ; il mourut à Genève en 1866.