Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t2, 1905, trad. Khnopff.djvu/220

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fini, et je n’y songe plus qu’à contre-cœur. Peut-être est-ce pure ingratitude, laquelle constitue d’ailleurs un de mes plus graves défauts : c’est un fait avéré. Çà et là, ma mélancolie rencontre une éphémère et charmante apparition, qui lui procure des illusions agréables : par exemple à Pesth, pour l’exécution de quelques fragments du rôle d’Elsa, j’eus à ma disposition une belle chanteuse toute jeune, avec une voix des plus expressives et des plus pures ; elle était Hongroise, prononçait l’allemand dans la perfection, et n’avait probablement de sa vie, rien su vraiment de la musique jusqu’alors. Je fus touché d’avoir à ma disposition, pour mon œuvre, la collaboration d’une créature si innocente et si pure, et la brave enfant semblait, de son côté, être impressionnée par moi et par la musique, comme si elle ressentait pour la première fois de son existence. Inexprimablement charmante et saisissante était l’explosion de ses sentiments, et pas mal de gens durent croire que la jeune fille s’était éprise d’un violent amour pour ma personne… À cette jeune fille j’ai aussi « à écrire », maintenant. Voyez-vous, je vous dis tout « le bon » ; mais à présent je ne sais plus rien, et j’ignore même si vous me compterez cette histoire comme quelque chose de « bon ». Cependant cela donne toujours une tournure à la lettre, et finalement vous pourrez raconter ainsi quelque chose à votre mari. Il