Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/156

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chose, qui est absolument incompréhensible pour la conception ordinaire de la vie, n’est reconnu que par le poëte, au moyen de cette même prédisposition qui est en lui, et constitue l’essence de sa qualité de poëte, de manière qu’il est capable de le représenter avec une sûreté infaillible, — ce quelque chose, qui est plus déterminé et plus certain que n’importe quel autre objet de conscience, quoiqu’il ne possède aucun attribut du monde qui nous est connu par l’expérience.

Le plus grand miracle serait maintenant que ce quelque chose, aperçu d’avance et ayant pris forme, entrât finalement dans le domaine de l’expérience du poëte. Son idée aurait alors une grande part dans cette réalisation ; plus pure et plus élevée serait cette idée, plus détachée du monde vulgaire et plus incomparable serait cette création. Elle purifierait sa volonté ; son intérêt esthétique deviendrait moral ; et à la plus haute idée poétique se joindrait la plus haute conscience morale. La tâche du poëte sera alors d’avérer ce quelque chose dans le monde moral ; il sera conduit par la même prescience qui, devenue conscience de l’idée esthétique, l’a déterminé à la représentation de cette idée dans l’œuvre d’art et l’a rendu apte à l’expérience.

Le monde ordinaire, qui est exclusivement sous l’influence de l’expérience imposée du

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