Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

temps y est aussi pour quelque chose. Quand, même pendant le jour, on est empêché de sortir, on sait que, au dehors, il fait clair et beau, et le soir est alors sacrifié au plaisir. S’il fait chaud, on sait toujours que l’air, qui donne tant de pureté au ciel, est beau et bienfaisant. Cela produit un effet très directement sensible sur moi, un peu excitant mais agréable. Aussi est-ce tellement beau que les besoins du corps me deviennent toujours moindres. Je ne vis presque plus que d’air, et le cœur me fait seulement mal, quand je dois payer au propriétaire de l’hôtel autant pour ma nourriture que si j’avais à entretenir un estomac anglais.

Puis j’éprouve maintenant une inclination prédominante vers la gaîté. Figurez-vous, lorsque, il y a peu de temps, je développais la mélodie joyeuse du pâtre au moment de l’arrivée du bateau d’Isolde, tout à coup il m’arriva une tournure mélodique beaucoup plus joyeuse, presque héroïquement jubilante et cependant absolument populaire. Déjà je voulais modifier le tout, quand je m’aperçus que cette mélodie ne convenait point au pâtre de Tristan, mais appartenait absolument au Siegfried. Immédiatement, j’examinai les vers de la scène finale de Siegfried (Siegfried et Brünnhilde), et constatai que ma mélodie convenait aux paroles :

« Dès toujours,
pour toujours,

— 224 —