Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/56

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nerveuse, que nous ne pouvions supporter ni l’un ni l’autre. Je me confessai à toi et il nous apparut avec évidence que toute autre possibilité eût constitué un crime, dont la pensée même était intolérable.

Mais la nécessité de renoncer l’un à l’autre prit naturellement un autre caractère : à la tension nerveuse succéda une solution apaisante. Le dernier égoïsme disparut de mon cœur, et ma décision de fréquenter de nouveau chez vous fut alors la victoire de l’humanité la plus pure sur l’ultime sursaut du désir personnel. Je ne voulais plus que réconcilier, apaiser, consoler, rasséréner, et ainsi me procurer l’unique bonheur qui pût encore m’advenir. —

Jamais, dans toute ma vie, je n’avais éprouvé de sensations si intenses et si terribles que dans ces derniers mois. Toutes mes impressions précédentes, c’était le vide en comparaison de celles-ci. Des secousses, telles que celles dont j’ai souffert par cette catastrophe, devaient imprimer en moi des traces profondes et, si quelque chose pouvait aggraver encore mon état d’esprit, c’était la santé de ma femme.[1] Pendant deux mois, je m’attendis chaque jour à l’annonce de son décès subit : le docteur avait cru devoir me préparer à cet événement. Autour de moi, tout respirait la mort : mon regard

  1. Voir Glasenapp, II, 2, 178 et suiv.
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