Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/59

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mais plutôt toujours d’une sensibilité presque outrée. Pour la première fois, je veux te paraître importun maintenant et te prier d’être, dans le fond de ton âme, absolument tranquille à mon sujet. Je ne viendrai pas vous voir souvent, car vous ne devez me rencontrer, à l’avenir, que quand je serai certain de pouvoir montrer un visage calme et serein — Naguère, je venais chez toi, la souffrance et le désir au cœur ; et là où je cherchais la consolation, je n’apportais que trouble et chagrin. Cela ne doit plus être. Si donc tu ne me vois plus de longtemps, alors… prie pour moi en secret. Car, alors, sache que je souffre ! Mais si je viens, sois sûre que j’apporte chez vous le meilleur de mon être, un don qu’il n’est accordé qu’à moi sans doute d’offrir, à moi qui ai souffert tellement et volontairement.

Selon toutes probabilités, oui, assurément, bientôt, je crois, dès le début de l’hiver, viendra le moment, où je quitterai Zurich pour assez longtemps : d’un jour à l’autre peut arriver l’amnistie attendue qui me rouvrira l’Allemagne, où je retournerai alors périodiquement, afin d’y chercher l’équivalent de la chose unique que je n’ai pu posséder ici. Alors je serai souvent longtemps sans vous voir. Mais le retour après cela, dans « l’Asile » qui m’est devenu si cher, afin de me reposer des soucis, des inévitables exaspérations, afin de respirer l’air pur,

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