Page:Wagner - À Mathilde Wesendonk, t1, 1905, trad. Khnopff.djvu/89

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haute résignation. Elle ne peut se récuser ; elle regarde, alors, étonnée et se dit, peut-être : « était-ce bien ce que j’avais voulu ? » —

Je ne me sens pas encore tout à fait d’aplomb ; j’espère cependant beaucoup en cette nuit, si je dors bien. Certes, tu t’en réjouiras, n’est-ce pas ? — Bonne nuit ! —

1er Octobre.

Il n’y a pas longtemps, mon regard tombait de la rue dans la boutique d’un marchand de volailles : distraitement, j’examinais la marchandise disposée de façon propre et appétissante, quand, alors qu’un individu, dans un coin, était occupé à plumer un poulet, un autre individu introduisit la main dans une cage, empoigna un poulet tout vivant et lui arracha la tête. Le cri effroyable de l’animal et ses plaintes, de plus en plus faibles, pendant l’acte de violence, me percèrent épouvantablement le cœur. — Depuis lors je n’ai pu secouer cette impression, déjà si souvent éprouvée. Il est écœurant de devoir songer sur quels abîmes de cruelle misère notre existence, pourtant toujours plus avide de jouissances, est fondée, en somme ! Cela fut toujours d’une évidente clarté pour mon observation et, en raison de ma sensibilité croissante, je me rends de mieux en mieux compte que la véritable cause de toutes mes souffrances gît uniquement dans le fait de ne pouvoir renoncer

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