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Étudions de plus près les suites de la trahison des princes envers l’esprit allemand ; voyons ce que sont devenus en un demi-siècle les germes d’une floraison si pleine de promesses, de quelle façon la science et l’art, qui avaient autrefois provoqué les plus belles manifestations de la vie populaire, ont agi sur le développement des nobles facultés de ce peuple, depuis qu’ils ont été regardés et, par suite, traités comme des ennemis de la sécurité, ou tout au moins de la commodité des trônes allemands.

III

Il est incontestable que l’action la plus décisive de l’esprit de régénération en Allemagne fut exercée par la poésie dramatique, par le théâtre sur la nation. Quiconque (comme cela se voit souvent aujourd’hui de la part de gens de lettres impuissants) conteste ou méconnaît l’importance capitale du théâtre quant à l’influence de l’esprit artistique sur l’esprit moral d’une nation, prouve qu’il se trouve tout à fait en dehors de ce véritable commerce d’échange et ne mérite d’être compté ni dans la littérature ni dans l’art. C’est en faveur du théâtre que Lessing avait commencé la lutte contre la domination française ; c’est pour le théâtre que Schiller l’avait couronnée de la plus belle victoire. Nos grands poètes ne trouvant pas devant eux une organisation technique du théâtre, assez perfectionnée pour seconder la haute tendance de la régénération allemande, furent obligés de la devancer sans en tenir compte, et leur testament nous fut remis avec la condition préalable de nous approprier