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Page:Wagner - Art et Politique, 1re partie, 1868.djvu/73

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dons maintenant de près, Guillaume Tell est devenu un événement classique dans notre répertoire d’opéra. — Dix années après, il y eut une révolution en Allemagne ; le drapeau de l’ancienne Burschenschaft flotta sur le palais fédéral de Francfort. Pour calmer les esprits, on songea, entre autres choses, à célébrer le centième anniversaire de la naissance de Gœthe. Que faire ? Le Faust était usé. Mais voilà qu’un compositeur parisien nous vient encore une fois en aide : sans la moindre ambition, il se met à faire traduire le poème de Gœthe dans le jargon à effet, qui convient à son public de boulevard, — un salmigondis nauséabond, une platitude douceâtre, dans un style affecté de lorette, avec la musique d’un talent subalterne qui voudrait arriver à quelque chose et, dans sa détresse, a recours à tous les moyens. Après l’avoir vu représenter à Paris, on devait se dire que, cette fois au moins, il serait impossible de recommencer en Allemagne avec cet opéra ce qui s’était passé avec le Guillaume Tell’ de Rossini. Le compositeur même, qui avait voulu obtenir un succès seulement devant le public spécial du boulevard du Temple, était loin d’avoir la prétention de pénétrer en Allemagne avec cet ouvrage. Mais il en fut autrement. Le Faust à son tour inonda , comme un Évangile de délices, le cœur du public de théâtre allemand ; les sages et les fous convinrent qu’il y avait vraiment du bon là-dedans, et aujourd’hui, si l’on donne encore le Faust de Gœthe comme curiosité, c’est pour montrer quels progrès le théâtre a réellement faits depuis le temps passé.